Le canular débuta le 18 mars 1929 par l'envoi d'une lettre ronéotypée dont voici le contenu :
Comité de Défense Poldèves 18 mars 1929
Honoré Monsieur le Député,
C'est un cri à votre pitié et à votre justice que nous faisons entendre en vous suppliant de laisser toute votre attention sur les choses qui suivent.
En plein XXe siècle de lumière et de Droit, près de cent milles infortunés poldèves, esclaves modernes, halètent sous le joug de quelques dizaines de grands propriétaires terriens.
Femmes, vieillards, enfants (parce que les hommes travaillent dans les usines et dans les entreprises agricoles d’autres pays) mènent une vie misérable de bête. Aucun secours pour eux si la délivrance ne vient pas de la conscience mondiale que nous venons chercher dans votre cœur !
Certainement, nous ne sommes pas les amis des républiques soviétiques, surtout l'Ukraine par qui nous avons eu trop de souffrances, mais un pareil état de vie ne serait pas possible chez eux depuis la révolution.
Donc, honoré Monsieur le député, nous venons vous dire : aidez-nous ! Nous ne demandons par le plus petit secours en argent, mais seulement votre éminent appui moral par une lettre pour notre dossier que nous voulons présenter le mois prochain à la troisième sous-commission de la commission des droits des minorités de la Société des Nations.
Dans ce commencement de XXe siècle qui a vu éclater grandiosement le triomphe de la paix perpétuelle et de la fraternité à toujours, il faut effacer les dernières tâches immondes. La France de 1793, qui avec son glaive flamboyant a piétiné les tyrans et les rois, peut nous arracher entre les griffes des grands propriétaires affamés de sang poldèves !
Oh! Merci, Honoré Monsieur le Député, pour votre réponse qui ira à Genève avec celle des autres collègues du parlement de la grande France de la révolution!
Pour le Comité de Défense Poldèves :
Lyneczi Stantoff
Lamidaëff
À ce premier courrier, seuls quatre députés répondirent.
Aussi Alain Mellet et ses comparses décidèrent-ils d'envoyer une seconde missive, plus émouvante encore :
Comité de Défense Poldèves le 4 avril 1929
Honorés Monsieur le Député,
Quinze jours déjà nous avions cru permis de frapper à votre conscience pour protestation contre les infamies que souffre la nation Poldève. Hélas ! Les événements ont marché ! Marché ! La révolte se fait dans deux districts déjà. Alors, pour reprézailles, la bourse du travail de Tchercherlla a été incendiée par des sanguinaires comme les fascistes d’Italie. Un cent de nos pauvres frères esclaves ont vu la mort, transpercé par la soldatesque des grands bourreaux propriétaires terriens. Il y a des filles qui ont vu la violation. Et tout cela sans jugement ! Sans jugement ! En France, quelle est l’agence de nouvelle qui a dit ces choses? La France du refuge des proscrits paraît sous le joug méchant du parti de réaction.
Notre peuple n’est pourtant pas un inconnu pour la grande France de jadis ! Rappelez-vous des lettres de Voltaire à Constance Nepuska... C’est sous la conscience élevée du grand penseur, toujours pour les petits contre les grands, que nous plaçons notre détresse. Ah ! Nous sommes vraiment abandonnés. L'Evêque poldève n’a rien fait du tout, on dirait qu’il n’existe pas ! Seuls les honorés collègues Planche, Boutet, Chouffet, et Cazals ont répondu à notre première lettre: qu’ils sont bons! Et comme nous leur prouverons bientôt notre reconnaissance ! Mais quatre c’est trop peu pour enreyer le sang qui coule ! De grâce, aidez-nous ! Sauvez-nous !
De grâce ! Nous traînons vos pieds à notre malheur ! Nous ne demandons pas le plus petit secours en argent. Mais, vite envoyez-nous la protestation pour notre dossier pour la troisième sous-commission de la commission du droit des minorités de la Société des Nations !
Il faut tarir l’écoulement du sang poldève !
MERCI ! MERCI !
Pour le comité de défense poldève :
Lyneczi Stantoff
Lamidaëff
Adresser les réponses à L. Stantoff, etc.
Cinq députés répondirent, mais d'autres demandèrent de la documentation.
A cette demande de documentation, ils répondirent alors le 13 avril alors que les premiers articles relatant l'affaire avaient commencés à paraître dans l'Action Française.
Comité de Défense Poldève Paris le 12 avril 1929.
Monsieur Georges Richard,
Député
Honoré Monsieur le député,
Merci pour votre lettre ! Vous demandez la documentation. En voici un petit peu.
Sur l’histoire de notre malheureux peuple, il n’y a rien de sûr avant l’an 1000. Après sa conquête de Malte, Charles le téméraire, ambicieux, voulait la couronne de roi des poldèves, mais Charles Quint s’opposa. Le malheureux peuple tomba alors, pendant près de deux siècles, sous la domination horrible des Hohenstaufen qui essuyèrent sur eux les premiers canons.
Un héros national, d’origine israélite, Gellé-Foâ, leva l’étendard pour l’indépendance. Avec l’aide de la France généreuse, qui envoya le colonel général Mellet, tandis que l’Angleterre envoyait l’amiral C.D. Bynn, il y gagna la bataille sanglante de Tanphepa. Malheureusement il fut tué et après sa mort les aristocrates prennent pouvoir, les terres, et écrasent les paysans et ouvriers. Ils étaient catholiques de l’hérésie moracique, -- tandis que le peuple évangélisé par les prêtres luthériens Cimon et Jézipe, venu chez nous pour échapper le massacre des Vêpres siciliennes, étaient protestants et israélites. Pour manger, il fallait, les pauvres gens, aller au confessoire et à la messe !...
Bien plus ! En 1729, à la suite d’élections très mauvaises à la diète nationale, un autre héros national essaya de lever tous les pays. Ce fut Illis, un homme de noblesse, rallié dans les idées de l’affranchissement.
Abandonnant son titre de Kher (Kher, en poldève, veut dire " seigneur ",Khô ou Khôn, candidat au suffrage populaire), donc Illis leva des bandes. Ce sont ces bandes de candidats, plusieurs fois victorieuses et finalement écrasées, qui ont laissé trace dans les pages vengeuses de Voltaire a la Napuska.
Aujourd’hui, c’est une famille étrangère, les marquis d’Odde-Helléon, qui possède un quart du pays ! Pendant que leur vassal meurt de faim ! Assassins ! Assassins !
Tout ceci est bien bref, honoré Monsieur, mais le temps presse ! Nous ajoutons pourtant que le grand sculpteur Littonguem, auteur de la fameuse statue Marceau a Rennes, était directement d’origine poldève. Poldève aussi, la propre belle-mère de notre grand Musset....
C’est pour le peuple éternellement martyr, plus aujourd’hui que jamais, et qui pourtant ne voudrait pas mourir sans avoir vécu ! Que nous venons supplier la protestation pour le dossier. La troisième sous-commission de la commission des droits des minorités de la Société des Nations. Plusieurs douzaines honorés collègues ont déjà répondu, parmi qui est le président éminent Cazals du grand parti radical.
Merci encore, honoré Monsieur le député, merci !
Pour le comité de défense poldève :
Lyneczi Stantoff
Lamidaëff.
P.-S.—le grand dossier généreux va partir mardi.
Huit lettres arrivèrent encore.
Goûtons, avec ceux de l'époque , l'humour de ces lignes:
Gellé-Foâ = j'ai les foies
général Mellet = auteur du canular
C.D. Bynn = se débine.
Tanphepa = t'en fait pas.
hérésie moracique = Référence à Charles Maurras et l'Action française récemment condamnée par Rome.
Cimon et Jézipe = Hégésippe Simon. Nom d'un Canular datant des années 1910 et crée par Paul Birault.
Illis = Associé au titre Ker, devient Kerillis, homme politique de l'époque (en fait Henry de Kérillis)appartenant à la droite nationale.
Khô ou Khôn= con. Le canular est de l'action française non ?
Voltaire= référence totalement injustifiée mais qui permet d'inscrire les poldèves dans l'histoire et donner un gage de moralité
marquis d’Odde-Helléon= Léon Daudet, Dirige l'Action française à partir de 1908.
statue Marceau à Rennes= Alain Mellet était Rennais.
propre belle-mère de notre grand Musset = Cette référence à Alfred de Musset permet de s'enraciner dans l'histoire. Bien entendu, cela est totalement faux.
via wikipedia
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