26.1.09

Un résistant et l'Action française


/// Jean-Baptiste Biaggi a resisté à l'occupant allemand durant la Seconde Guerre mondiale au sein du réseau Orion, fondé par Henri d'Astier de la Vigerie et dirigé par Alain Griotteray. Officier de la Légion d'honneur, croix de guerre 39/45, médaille de la Résistance, médaille des Evadés, capitaine dans les commandos de France.///


Comment avez-vous connu l'Action française?

Jean-Baptiste Biaggi: dans mon petit village de Cagnano, en Corse, il y avait un curé, Ange Giudicelli, qui était maurrassien. Il y avait aussi un marin retraité abonné à l'Action Française. Je lisais donc l'Action Française, malgré l'interdiction du vatican. Ensuite j'ai été étudiant d'Action française et délégué de l'Action française à la faculté de droit. et c'est moi qui à ce titre, faisais le discours de bienvenue de Charles Maurras qui tous les ans, venait présider le banquet des étudiants d'Action française. J'assistais régulièrement à ses conférences.


Quel fut votre parcours dans la Résistance?

Jean-Baptiste Biaggi: je me suis engagé en 1938, lorsque j'ai vu que la guerre devenait inévitable. En mars 1939, j'étais aspirant au 1er Dragons. Durant la guerre, j'ai combattu, j'ai été blessé. J'ai été soigné à Saumur puis à Paris. Déclaré inapte à tout service, j'ai passé ma convalescence à Marseille, où je marchais avec deux cannes. C'est là que, par hasard, je rencontre Griotteray. Nous sympathisons et il me demande d'organiser des passages de courriers, de renseignements vers l'Afrique du Nord.A partir de 1942, j'ai organisé le passage par l'Espagne de volontaires. Je continuais aussi à fournir du renseignement. Vous savez, le renseignement, c'est beaucoup plus utile qu'un petit meurtre à la sortie d'un métro parisien. Et puis ça ne provoque pas de représailles sur la population. On se fait prendre, on est fusillé, tout au plus avec ses complices. Mais le charcutier du coin et l'institutrice du village voisin, ils n'ont rien.Je suis allé quelques fois à Vichy, pour faire du renseignement. J'y ai rencontré un ancien camarade de Droit, Joseph Barthélémy, devenu ministre de la Justice de Vichy. Il m'a dit: "A Vichy, il y a plus de résistants que partout ailleurs!"Ensuite, j'ai été arrêté et déporté. Nous avions créé un réseau de passage à Paris, où nous étions trois. Escartin, un Basque a été arrêté le premier. Les Allemands avaient connaissance de notre réseau. Ils ont envoyé un mouton à Escartin. Il m'a téléphoné pour que je fournisse de faux papiers à ce type. Nous avions un rendez-vous au café Weber, rue Royale. Là, le mouton et son amie m'ont annoncé l'arrestation de Escartin.J'avais reçu un appel de deux hommes qui voulaient passer en Allemagne, avec qui j'avais rendez-vous dans le même café peu après. En sortant, la Gestapo étéit là. Nous avons tous été arrêtés. Je suis passé rue des Sausaies, à Fresnes puis à Compiègne avant de monter dans un train de déportation vers Bergen-Belsen. De ce train, je me suis évadé, grâce au corset médical qui me maintenait depuis mes blessures au ventre et au dos. Grâce à l'abbé Le Meur, et à la complicité d'un gardien du camp qui voulait déserter, j'ai remplacé les baleines du corset par des scies à métaux et un tournevis.J'ai ensuite organisé une évasion massive du convoi. Durant le transport, nous sommes quarante-cinq à avoir tenté et réussi l'évasion! Pour cela, nous avons dû maîtriser les autres prisonniers qui menaçaient de nous dénoncer aux SS! J'ai repéré le meneur, j'ai saisi mon tournevis, le lui ai mis sur le ventre et je lui ai dit: "Maintenant tu fermes ta gueule ou je te crève!" Il a compris. A cinq, nous avons gagné un petit village, où nous avons été hébergés et cachés par le jeune curé de la paroisse. Puis nous nous sommes procurés de faux papiers grâce à ce curé et au maire corse du village! Nous avons même dormi dans les salons de la préfecture!De retour à Paris, j'ai repris mes activités à Orion jusqu'à la fin de la guerre. Puis j'ai rejoint les Commandos de France.


La doctrinne maurrassienne a-t-elle influencé votre engagement dans la résistance?

J.-B. Biaggi: c'est véritablement la haine des Allemands qui a motivé mon engagement. L'amour de mon pays martyrisé par ceux que nous appelions "les Boches", et la germanophobie en soi. Il n'y a pas eu de complication dialectique ou intellectuelle, comme chez certains qui ne résistent qu'à partir de 1941 par pure stratégie idéologique. Nous avons eu l'instinct de la Résistance, car Maurras nous avait parfaitement formés. Les Allemands étaient chez nous; ils ne devaient pas y rester. Donc il fallait les chasser. C'est ce à quoi nous nous sommes employés. Nous avons tenté de toutes nos forces, de chasser les envahisseurs. Ce dont nous avions conscience, c'est de l'intérêt supérieur du pays. C'est ça, le fond de la doctrinne maurrassienne. Que Maurras ait eu une autre méthode que nous pour remédier à la crise, c'est conjoncturel. Je le dis très franchement et même fièrement: j'ai toujours été maurrassien; je le suis toujours resté; et à mon âge, je crois bien devoir vous dire que je le resterai toujours. La Résistance était un réflexe patriotique. L'école politique qui enseignait le patriotisme au plus haut degré, c'était l'Action française.


Un dernier mot sur Maurras?

J.-B. Biaggi: Il faut raconter une anecdote de Marcel Jullian répondant à un proche du général De Gaulle qui, après la victoire, lui reprochait son attachement à Maurras, coupable d'intelligence avec l'Allemagne: "Vous avez très mal choisi, monsieur. Maurras avait toutes les formes possibles de l'intelligence, sauf celle là!"


Propos recueillis par Pierre-Alexandre Bouclay pour Aventures de l'Histoire #12 [septembre 2002]

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Très beau témoignage!
L'esprit d'AF est raconté le mieux par les hommes d'AF et non par les historiens gauchistes à la Milza ou Winock!

Anonyme a dit…

Excellent blogue!

Anonyme a dit…

une petite erreur historique : le n°4 commando désigne le commando franco-britannique dont faisait parti le commando kieffer, qui débarqua en normandie le 6 juin 44. Biaggi était aux commandos de france, dans l'armée d'afrique. Les commandos de france (1er choc) firent le débarquement de provence.
L'illustration représente des commandos SAS français (1er, 2e ou 3e RCP)qui sautèrent sur la bretagne le 5 juin et firent toute la campagne de france.
Le commentaire de pierre R est outrancier. Milza est loin d'être un gauchiste. Il s'est d'ailleurs peu intéressé à l4F, et s'est spécialisé dans le fascisme. Son mussolini fait d'ailleurs référence pour l'honnêteté de son travail. Voir ce qu'en dit Domonique venner.

Canal Mythos a dit…

Merçi Aramis pour ces précisions.
L'illustration de l'article est en effet une photo de SAS Français.