C'est en 1989 que les murs de nos villes se voient inondés en taille affiche du célèbre M cher à Edgard Pierre Jacobs. Un M lettré à la manière de la "Marque jaune" mais qui, à y regarder de plus près, annonce la Génération... Maurras ! Ce coup de génie en matière de stratégie droitiste de communication est dû à un jeune dessinateur, Étienne, qui s'est rodé à la revue des étudiants d'A.F., le Feu follet. Un peu à la manière de Robert Brasillach (dépoussiérant le vieux Virgile en en faisant "un jeune fasciste de 1930"), Étienne rajeunit le père Maurras aux lectures duquel il rajoute d'autorité tous les "Blake et Mortimer" et la plupart des "Tintin" de Hergé.
Dès lors, au Feu follet, la réappropriation de la B.D. allait mener bon train avec la récupération pêle mêle de Bonvi pour la germanophobie barrésienne, l'insolence chez Cohn Bendit, le dynamisme souriant du jeune d'A.F. propre sur lui chez Serge Clerc, s'offrant le paradoxe à hurler de rire de mettre l'adresse du journal royaliste en caractères cyrilliques dans la bouche de ces "faces de citron", sortes d'Anthracite asiatiques sortis de Jacobs ou de Charlier parodiés façon Terpant ou Cornillon.
Mais le mérite du Feu follet a été également de donner leur chance à d'autres talents de valeur (outre Marie Barrat portraitiste de Roger Nimier): Troll et Frédéric de Zarma. Troll, manifestement héritier d'Hugo Pratt et d'Auclair, excelle surtout dans l'évocation lyrique de la jeunesse, de l'amitié et de l'amour, fragile arrêt sur l'image face à la mer toujours recommencée, témoignage du maillon que constitue la Génération Maurras dans la chaîne de l'enracinement à la patrie charnelle.
Tout à l'opposé pourrait-on croire Zarma, surtout quand il signe Zarmski, choisit pour sa part la voie de la dérision dans des saynètes en BD de la plus grande drôlerie (ainsi de Robespierre subitement dissuadé tout à coup à la suite d'un disfonctionnement de l'espace/temps d'aller prendre la Bastille, ce qui nous eut évité au moins Jessie Norman), parfois littéralement féroce (ainsi de la "cantatrice" Hélène Delavaut dont les cordes vocales ont pris la forme d'une... guillotine, mais elle gardera sans doute le souvenir zému de quelques jeunes d'A.F. venus lui couper le sifflet) ou même la voie de l'autodérision: ainsi du jeune "Royco" chébran piégé par les "keufs" de la Gueuse alors qu'il tente de réitérer le coup (de fil) de 1927 (où en téléphonant son ordre de libération à la prison de la santé en se faisant passer pour le Préfet, un loustic d'Action Française avait réussi à faire libérer Léon Daudet !)
On ne saurait oublier, dans la mouvance "Action Française", le dessinateur Alain Durand dit Bayard qui après de premiers dessins dans Aspects en 1968 entre à Minute en 1972 pour revenir à la peinture après 1980. Ni Kang, dont on a noté différentes apparitions assez discrètes dans Aspects de la France ou à Présent, mais qui en attendant d'autres titres de célébrité reste déjà dans les annales pour ses illustrations du "spécial bande dessinée" publié par l'Astrolabe où le Schtroumpfissime adulé par les petits personnages de Peyo ne manque pas d'une certaine audace.
D'après Bédésup, les Dossiers noirs (1991)
via: zentropa
6 commentaires:
Le papillon avec le "M" pour Maurras évoqué dans cette note a été collé à nouveau cette semaine près de Versailles : j'en avais encore quelques uns... Nostalgie, nostalgie...
Les tous premiers Feu-Follet (ceux édités par la section de Dijon) ont connu un dessinateurs inattendu... Nicolas P.
Il avait notamment inventé un petit personnage animal, une loutre (qui est apparue sur quelques affiches locales)et qui devait concurencer le rat (des fafs) et la taupe (des bolches).
Tout à fait, et cette loutre faisait suite, sans forcément le savoir, au ... kangourou, qui avait été (de façon éphémère...) l'animal fétiche de l'AF de Rennes en 1984, et qui a orné au moins deux affichettes collées à cette époque (dessins de FX, un sympathisant rennais). En fait, c'était une référence à l'opération Kangourou de 1970 lancée par Aumont pour trouver de nouveaux abonnés à Aspects de la France, hebdomadaire d'AF.
Désolé pour l'auteur de cet article en revanche bien fait mais toute la série des détournements ne sont pas l'oeuvre du jeune Etienne Lombard, journaliste à Aspect de la France mais d'un ancien nafiste qui accompagnera Nicolas Portier dans la mise en oeuvre de la campagne de proagande "Génération Maurras".
L'idée était de dépoussiérer l'image de Maurras sans pour autant retomber dans l'erreur de Renouvin et Leclerc (1971) d'un jeune Maurras d'avant 1914 opposable à un vieux Maurras conservateur (thèse de Jacques Paugham in "L'age d'or du Maurrassisme". Il fallait donc assumer le Maurras séducteur du jeune Henri Lagrange et de Georges Valois tout autant que le Maurras prisonnier à Cairevaux (lire l'excellent article de GP.Wagner dans la Revue Royaliste n°1 et ressortie en 2006 dans la Revue L'Escritoire).
Cet ancien nafiste retravailla donc une photo de Maurras que lui remis Pierre Pujo et lui força le trait afin d'obtenir le rendu "style 68" qu'avec Portier ils avaient déjà cherché à retrouver dès la sortie du numéro 1 du Feu-Follet nouvelle série (Gérard C. avait mis son imprimerie à contribution, ce qui faisait notablement changer la donne du FF). L'idée du M de la Marque jaune était venu à cet ancien "mao-rassien" de la volonté d'affirmer le coté maudit de Maurras et donc dans jouer au lieu de le subir. D'ou la référence non pas à Blake et Mortimer (on se demanderait bien pourquoi ?) mais au film "M - le Maudit". M comme Maurras bien entendu. De connivence avec Nicolas, ce dernier repiquera d'ailleurs l'idée pour en faire le titre d'un de ses articles du mythique numéro "Génération Maurras".
Bonne continuation pour voytre site.
Philippe.
Il y avait bien d'autres jeunes dessinateurs de talent que nous à l'AF à cette époque...
Bonjour,
Je cherche des illustrations, des dessins d'Alain Durand dit Bayard, sauriez-vous où je peux en trouver ou en consulter ?
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